mercredi 19 février 2014

CREATEUR, COPIEURS OU SUIVEURS ?

Créateurs, copieurs ou suiveurs, qui y gagnent le plus? En 1974, une célèbre campagne publicitaire lançait : « En France, on n'a pas de pétrole, mais on a des idées » …

Aujourd'hui, 40 ans après, cette phrase a vraisemblablement fait le tour du Monde... Pendant que nous nous demandons encore si nos idées suffiront à nous sortir de la « crise économique », les étrangers, eux, en ont saisi l'intérêt ! Ils ont fait de la France leur réserve à idées, leur supermarché pour industriels en panne d'inspiration.

Nous leur avons pourtant offert notre Savoir-Faire français sur un plateau, en implantant à l'Étranger les filiales de nos prestigieuses Écoles, distillant ainsi notre « French touch »  à des étudiants avides de copier le chic français, sans doute plus par orgueil que pour raison économique.

Mais, cela ne suffit plus à cette industrie qui veut croquer l'idée à la source ! Plus facile et plus rapide d'aller à la pêche à la nouveauté en étant sur place ! Asiatiques, Russes, Européens, nous envoient leurs enfants, éléments stratégiques pour envahir les Écoles Parisiennes, et s'infiltrer dans le marché de l'industrie textile français. ESMOD, la Chambre Syndicale, l'IFM, la toute nouvelle Cité de la Mode, les accueillent à bras ouvert au nom de l'échange culturel, heureux de trouver une nouvelle clientèle moins regardante. 

Présents, partout dans les salons professionnels, dans les rues de Paris, ils chinent les idées jusqu'à dans les friperies du Marais à la recherche d'articles « vintage » à recopier. Les plus repérables d'entre eux sont les jeunes femmes asiatiques : vieux manteaux de fourrure abîmés, achetés pour pas chers chez les fripiers, les boutiques solidaires ou chez Emmaüs, lunette Chanel sur le nez et sac Vuitton à la main. Elles paradent ainsi dans le quartier du textile de la capitale, allant de fournisseurs en façonniers ...

Puis diplôme en main, ces «pions formatés à la sauce française» décident de rester à Paris. Ils prennent le statut d'«entrepreneur français» et ouvrent leur showroom pour récupérer la clientèle de diffuseurs venus du monde entier pour trouver le chic Parisien. Les investisseurs suivent alors ces nouvelles recrues et ils entrent dans la « Fédération ».

Pour comprendre vraiment l'ampleur du phénomène, il suffit d'une visite chez les grossistes « Haute Couture » qui déroulent le tapis rouge à ces clients à peine majeurs. De «bons clients qu'ils préfèrent aux Français parce que même à découvert, leur carte bleue continue à fonctionner! » dira un de nos fournisseurs …« Un simple coup de fil à leur banquier sur le ton de la menace en langue maternelle et la carte dite de crédit fonctionne !». Un vrai réseau bien organisé entre le vieux Continent et les pays du Soleil Levant. Les stocks de tissu des grandes Maisons sont ainsi « mis à la disposition » de ses recopieurs qui se vantent d'utiliser un «tissu Saint-Laurent», le plus courant chez les destockeurs... 

Facile donc pour eux d'acheter, facile de trouver une main d'œuvre couleur locale en France comme à l'Étranger pour fabriquer leur collection à des prix cassés, facile de devenir les jeunes créateurs « Français » de demain. Une image de la Mode « Made in France » que l'on n'envisageait pas comme cela... Mais, où sont donc les créateurs nés en France, alors ? Nos jeunes têtes pensantes ont bien du mal à rivaliser.

Lorsqu'ils peuvent enfin s'acheter une place restée vacante dans une école prestigieuse, ils voient leur collection livrée en pâture à des professionnels du textile en mal de nouveauté. Stages, galas de fin d'année, jury d'examen, parrainage, une mine d'or pour ces professionnels qui y trouvent des idées à exploiter et des employés à moindre coût. Puis, il y a le Concours de Mode, réservé à l'élite des Grandes Ecoles et souvent limité à une certaine tranche d'âge.  

Le jeune créateur français qui parvient à y décrocher sa place pense alors pouvoir être repéré …Repéré, il le sera, par les média qui s'emparent de cet évènement devenu un vrai commerce. Les idées voyageront autour du monde, grâce à la magie d'internet et serviront les grandes industries. Les «suiveurs» exploiteront leurs idées et laisseront les jeunes Lauréats sur la touche, impuissants devant ces copieurs. Peu de Lauréats se feront un jour un nom.

S'affirmer et protéger les idées est un parcours du combattant. Malgré 17 000 lois - un chiffre excessif selon les anglais - qui régissent jusqu'à la vie privée du citoyen français, celles sur la Propriété Intellectuelle restent floues et sans effet hors des frontières de l'Hexagone, comme notamment aux États-Unis. Une porte ouverte à la copie en tout genre. 

Quelle place est alors laissée aux jeunes français dans l'industrie textile pour l'avenir ? Et bien pour beaucoup qui n'auront pas la chance d'avoir un réseau d'influence, il leur restera la solidarité. Ils se partageront des locaux pour créer leur atelier, se partageront showroom éphémère, marchés de créateurs pour vendre. Ils partageront même sur les réseaux sociaux et les plate-formes de vente du Web pour communiquer. Ils utiliseront le système D pour se faire connaître des particuliers qui viendront commander pièces uniques et petites séries.

Un arrière goût de 19ème siècle où petits ateliers cousaient des vêtements « sur mesure », et ce jusqu'au milieu du 20ème siècle, à l'Ère de la mécanisation. Tout une époque qui a vu naître la Haute Couture d'aujourd'hui en la personne de Charles Frederick Worth. Un modèle qui ne peut que veiller de là-haut sur les petits couturiers de demain... Un retour en arrière de 2 siècles pour espérer se refaire une autre image de la France...

Que dira-t-on à nos têtes pensantes pour les rassurer face à ceux qui viennent tirer profit de leurs idées ? On leur servira ce fameux cliché de « l'impression de déjà vu », ces choses dont on a tous envie au même moment, les « ce n'est qu'une coïncidence »... On leur sortira des «vous avez de la chance, vous faite un métier passionnant »... Mais, c'est un fait que la passion ne nourrit pas forcément le créateur, car c'est le suiveur qui, lui, aura les moyens d'exploiter l'idée, qui se fera une place au soleil.

LC 

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