dimanche 5 février 2012

ZAHIA HOOK KARL


En ce moment, il y a les défilés de haute couture et tout le monde s'en fiche. Car ce qui nous intéresse, ce n'est pas l'original et ses robes à 50.000 euros, mais sa copie. La haute couture, c'est fini, place à la basse couture, à Zara et aussi à Zahia, puisque Zahia lance sa propre marque de prêt-à-porter. Zahia, mais oui, vous vous souvenez, l'ex de quelques uns de nos footballeurs, Zahia est passée de l'interlope au légitime, adoubée par les plus hautes autorités de la mode, sa Majesté Karl Lagerfeld en personne et les photographes Pierre et Gilles qui lui tire la silhouette.
Ce rapprochement entre le plus vieux métier du monde et celui qui permis à Eve de se rhabiller n'est pas complètement inédit. Coco Chanel, dans la bouche de Lagerfeld, s'appelle souvent la "Bitch". modeaparis

Liane de Pougy, demi-mondaine a inspiré une partie de la mode 1900, avec son mode de vie scandaleux, ses amours froufroutants, sa bonne volonté qui lui interdisait de choisir entre les femmes avec qui elle couchait, et les hommes avec qui elle faisait la même chose. Du coup, Zahia créatrice de chiffons, c'est une bonne nouvelle : la preuve que la mode est toujours une maison de tolérance, qu'elle et elle seule est prête a ouvrir ses bras, et depuis toujours, aux stigmatisés, qu'ils soient homosexuels juifs, créatures de petite vertus ou créatures tout court. Comme l'a expliqué le sociologue Georg Simmel1 (1858-1918), la mode est l'univers de prédilection des "autres", ces étrangers qui regardent le monde de biais. Les "différents", les monstres sociaux, ont d'autant plus de facilité à inventer la mode, qu'ils ne partagent pas les appartenances moyennes d'une société ; ils proposent chaque saison du différent parce qu'ils sont différents. Christian Dior a imposé son New Look en 1947, parce qu'il était homosexuel à une époque où ceux-ci ne pouvaient sortir du placard ; Ralph Lauren a réinventé le style "WASP" (White Anglo Saxon Protestant), lui le descendant de tailleurs juifs polonais.
La « fashion victim » a besoin de se distinguer, et qui mieux que Zahia pourrait l'aider à le faire. Car la "fashionista" incarne un paradoxe comme nous le souligne Simmel. En apparence, elle est en avance sur son époque ; en substance, elle devance ses contemporains en ayant adopté des formes qu'ils adopteront plus tard. Mais en réalité, le meneur est le mené : son apparente autonomie est en réalité une hétéronomie, autrement dit il reçoit sa loi du dehors. Et une fois qu'une tendance a été élu, elle est vouée à se diffuser, autrement dit à se vulgariser avant de disparaître. En effet, la mode, avec un petit m comme dans malin, a construit son empire en s'inspirant, comme on dit poliment, en copiant pour dire la vérité. Car la sape est l'un des seuls univers ou le faux a encore toute sa place, fausse fourrure, faux cuir, fausse poitrine et faux nez mais aussi et surtout faux Vuitton et faux Prada.
La mode c'est un mensonge qui dit la vérité, version poétique de la vérité si je mens, ou chaque saison il y aura une nouvelle nouveauté. Dans ce métier dominé par le bonjour des simples et le commerce des rusés, je suis sur que Zahia a toute sa place. Victoria Beckham, autre exemple de copine de footballeur, elle aussi a créé sa marque sous les ricanements. Eh bien aujourd'hui, devant ses ventes et l'attrait suscité par ses modèles, plus personne ne rigole. La mode, c'est du sérieux.
(1) Georg Simmel, La mode in La tragédie de la culture, Paris, Rivages Poche, Petite bibliothèque, 1988. (Source huffingtonpost)

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