« Alexander était d'abord un artiste, quelqu'un qui ne copiait personne, qui puisait en lui-même quelque chose d'intime pour inventer autre chose, imaginer ce qui n'existe pas encore, rêver. Comme les enfants rêvent, sans filet, sans limites. » Ce sont les mots de sa grande amie, Daphne Guinness.
À l’heure où les grands écrans sont envahis de super héros issus de chez Marvel ou DC comics/Warner, pour nous autres qui habitons et vivons dans notre Planète Mode, nous avons aussi nos héros. Les nôtres ne sont pas des armoires à glace en collants bleus et cape rouge, pas de lasso et body hyper sexy, pas d’oreilles pointues non plus. Ils n’ont pas de super pouvoirs ou de super gadgets pour sauver le monde, mais une chose en commun les unit : la capacité de continuer à nous faire rêver. Alexander McQueen était l’un de nos héros. Mais comme beaucoup d’autres, il nous a quitté trop tôt.
Ce génie de la mode aurait eu 45 ans aujourd’hui. Sa disparitions a creusé un grand vide parmi nous. À l’annonce de cette dernière, je vous avoue que j’ai été cloué sur place et choqué. Je ne fais pas partie de la catégorie fans hystériques, loin de là. Mon admiration est discrète et posée, mais peut être en constante ébullition, ce qui me permet d’avoir toujours un oeil qui traine quelque part pour trouver la perle qui illuminera ma journée. Et le travail d’Alexander avait cette capacité de vous transporter ailleurs, de vous ouvrir des portes dérobées pour vous plonger dans un nouvel univers, vers les arcanes où sa création flamboie dans un tourbillon d’étoffes.
Il y a des personnes comme ça, qui vous inspirent. Leur travail, leur génie, sont une illumination qui influence votre propre quête. « Ce sont les rêveurs qui font avancer le monde, sans eux, nos vies seraient médiocres et la joie s’évanouirait de nos coeurs » me disait sans cesse ma propre mère. J’ai donc été élevé avec des étoiles dans les yeux. Et nombreuses sont celles qui ont rejoint la voute céleste, mais leur génie demeure.
Être vêtu en McQueen, c’est être reconnaissable entre tous. Il était de ceux qui ont transformé la mode, à l’image de Paco Rabanne, Yves Saint Laurent, Thierry Mugler, Claude Montana, Gianni Versace, Jean-Paul Gaultier, John Galliano ou encore Jean-Charles de Castelbajac. Des rêveurs qui ont laissé et laisseront une empreinte indélébile dans cet univers. Des rêveurs qui font sans cesse des émules, telle la nouvelle génération avec Christine Phang, Corrie Nielsen, Fatima Guerrout, Rowena Forrest avec sa marque Lady R. Forrest et beaucoup d’autres, afin que la création soit une histoire sans fin.
La disparition d’Alexander a fait couler beaucoup d’encre. Les uns prêtent son geste mortel au décès de sa mère, les autres, au stress que l'industrie de la mode lui infligeait. Qui a raison ? Qui a tort ? Cela n’a aucune importance ! Alexander McQueen avait un immense talent. Et même si la mode a évolué vers une « Fashion Business » - qui exige des cadences accélérées dans les présentations des collections, le stress qui en résulte, la recherche perpétuelle de financement, la main mise des grands groupes qui dictent la ligne conductrice, des nouvelles règles parfois contraignantes qu’imposent les institutions de la Planète Mode - une chose est sûre, il y aura toujours des rêveurs pour créer et aller au delà de toutes ces contraintes qui les empêchent d’avancer au lieu de les soutenir. Alexander McQueen était dans le beau, dans la création pure, mais partagée avec ses pairs, son public. Il était dans la recherche perpétuelle du rêve, celui que l’on regarde tous du fond de notre enfance…
Alors je dirais « Happy Birthday Mister McQueen, trinquez à notre santé avec tous ces autres rêveurs que vous avez rejoint ! »
Je finirais donc en empruntant une citation à un autre génie, un conteur cette fois-ci, Hugo Pratt, qui a imaginé, probablement les deux plus grands rêveurs qui existent : Corto Maltese et Raspoutine, les gentils hommes de bonne fortune.
« Raspoutine : J’ai voulu t'offrir une émotion Corto, parce que je t'aime bien… C'est pour toi que je l'ai fait, Dieu seul sait ce que c'est moche de vivre dans un monde sans aventures, sans fantaisie, sans joie. Me comprends-tu, Corto ? Dis-moi ?…
Corto : Je te comprends, Raspoutine… »
(Corto Maltese en Sibérie - Hugo Pratt)
- Indigo / Ira de Puiff - ®
Photo Alexander McQueen©DR